REVUE DE PRESSE – Eugène Onéguine– Opéra National de Montpellier – janvier 2014
“Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître !
“It is indeed a digital world that allows quick and easy recording and transmission of images and scenes of life around us, from all angles and in duplication and repetition. Here digital technology was used to add additional perspectives to what we could see from our seats. Intimate scenes were magnified onto the huge blank stage backdrop, the apartment as seen from above was projected onto the huge screen echoing what we could see from our seats, etc. These were direct dramatic motivations for use of multimedia and the achievement of rare theatrical integrity for the use of such technology. As a theater piece, really a theatrical installation based on Eugene Onegin it was conceptually elegant, masterfully directed, wonderfully witty and charmingly successful. While it may have been at cultural odds with the richly romantic voice of Pushkin it was easily comfortable with the broad and absolutely obvious emotional climate of Tchaikovsky’s genius if not this composer’s nineteenth century tonalities. All the scenes of acts I and II were run together. After the intermission four homeless looking dancers shoved a homeless looking Onegin around the stage to the music of the first polonaise. The second polonaise at a nouveau riche cocktail party brought the Opéra’s fine chorus into in a moving circle, their clicking heels forcing the Tchaikovsky polonaise to a halt. It was a moment of powerful dramatic punctuation that underlined the wonderfully theatrical nature of this fine evening at the opera (of which this account is but the tip of the iceberg). » – Opera today
“ Oneguine à la loupe : La vision de Marie-Eve SIGNEYROLE d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski scrute les personnages à travers les murs d’un appartement communautaire, révélant un regard affûté avec lequel il faudra désormais compter. la metteur en scène tient une ligne qui, par-delà les apparences qui trompent les tenants d’une certaine tradition, ne dévie jamais de celle tracée par Tchaïkovski, lui-même interprète fidèle du roman de Pouchkine. Dans un espace grand ouvert et pourtant confiné, Signeyrole scrute une intimité dérobée par l’insupportable promiscuité, mais rendue possible à force d’indifférence. Filmé en plongée, le dédale des pièces de cet appartement communautaire fait l’effet d’une loupe sur des personnages qui apparaissent dans leur vérité nue. Avec surtout un soin méticuleux du détail réaliste mais qui va bien au-delà, rien moins qu’ostentatoire donc, ou même simplement vain, comme chez tant de Regisseure pour qui il n’est guère plus qu’une fin en soi. Mais s’il est encore trop tôt pour affirmer que cette production porte une vraie signature, elle révèle le regard aiguisé d’une personnalité avec laquelle il faudra compter dans le paysage si contrasté de la mise en scène lyrique » – Altamusica
« Roulette russe pour Oneguine : Pouchkine chez Lars von Trier (période Dogville), pourquoi pas ? Aussi théâtrale que cinématographique, la vision de la jeune metteuse en scène est ambitieuse et cohérente, celle-ci n’oubliant jamais de traiter les conflits politiques, sociaux et sentimentaux qui sous-tendent l’intrigue. Toujours motivés par la passion, l’argent et l’intérêt individuel, les personnages tout en conservant leurs caractéristiques gagnent bien sûr en modernité. » – Concert Classic
« Avant que la musique ne commence à sonner, cette production indique un double élan historique : topographique (la mention « appartement communautaire, en 1999 » est projetée) et audiovisuel (un écran de télévision montre Vladimir Poutine prêter serment lorsqu’il accéda à la fonction suprême). Judicieuse orientation, tant ces « scènes lyriques » de Tchaikovski sont déchirées entre une tragédie des sentiments intimes et un épiement – social et politique – généralisé. Avec une telle entrée, comment ne pas songer à l’actuelle et formidable cohorte de jeunes metteurs-en-scène russes, dont Tatiana Frolova et sa compagnie Théâtre KnAM. » – Resmusica
« Une pertinente imagination : Marie-Ève Signeyrole signe une surprenante et moderne mise en scène de l’opéra lyrique en russe « Eugène Onéguine » de Tchaïkovski. Sans toucher au texte, Marie-Ève Signeyrole a décidé de prendre partie et de déplacer le curseur du temps, entre 1999 et 2003 dans une Russie « divisée entre opulence et extrême pauvreté ». Mme Signeyrole fait aussi le pari de la modernité avec un spectacle filmé du dessus et retransmis en arrière plan la plupart du temps. » – Le Parisien
“Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! Sa transposition est traitée avec un brio rare chez une jeune artiste qui aurait pu être trop influencée par le concept assez similaire de la Katia Kabanova de Marthaler dont elle fut l’assistante. Mais là où le maître minéralisait l’action, cette nouvelle production nous propose un dispositive scénique d’intérieur sans mur à la Antoine vitez. Peut-être même sommes-nous dans un univers orwellien, voire dans une emission de la télé-réalité où les coloc’ seraient filmés à leur insu par un avatar de Big Brother ou une chaïne de bas étage. On pense à Beckett et à Gogol, à Pavel Longuine ( Taxi Bleus) et à Lars von Trier….Tant de choses sont esquissés en meme temps…En tous cas, bravo pour la direction d’acteur !” – ODB
‘’Marie-Eve Signeyrole (déjà auteure, ici-même, de « L’Affaire Tailleferre ») fait un choix à priori facile : situer l’action dans la Russie des années 90, et plus précisément dans un appartement communautaire de Saint-Pétersbourg, dont Madame Larina est la propriétaire, mais qu’elle se voit contrainte à partager, dans une totale promiscuité, avec une bonne quinzaine de personnes. Ce qui ravit avant tout dans cette mise en scène, c’est la manière dont elle paraît se dérouler avec naturel, alors qu’elle est en réalité extraordinairement fouillée, avec des scènes fortes comme celle où Onéguine et Olga s’étreignent pendant que Tatiana écrit sa lettre, ou celle qui montre Lenski arracher le pistolet des mains d’Onéguine pour se suicider. Si on peut recenser un ou deux clichés, ils sont balayés par une profusion d’idées justes qui font de cette mise en scène un modèle de compréhension intime des enjeux de l’ouvrage’’ – Classiquenews.
‘’La réussite de cette proposition tient d’abord à la cohérence du propos qui s’accommode globalement bien de la partition. Elle tient ensuite au travail de fourmis d’une grande précision et d’une impressionnante créativité, effectué dans la direction d’acteurs. Les locataires sont ainsi composés du chœur de l’Opéra de Limoges et de trois danseurs (dont les chorégraphies sont réglées par Julie Compans) dont chaque personnage est individualisé et raconte sa propre histoire en arrière-plan, offrant un spectacle d’une grande richesse. Trop grande, peut-être, d’ailleurs : certaines scènes se révèlent frustrantes tant il devient impossible de suivre chacune de ces intrigues tout en maintenant l’attention que la musique de Tchaïkovski requiert. Mais sans doute est-ce un mal pour un bien ! Bien sûr, les rôles principaux bénéficient du même travail, chaque personnage étant fortement individualisé (en particulier les deux sœurs, Olga et Tatiana) et connaissant une habile évolution dramatique au fil de l’histoire.’’ Olyrix
Comment échapper à la joliesse romantique pour rendre plus sensible l’ennui poisseux dans lequel s’engluent les personnages de Pouchkine ? Marie-Eve Signeyrole a trouvé la solution : situer l’intrigue d’Eugène Onéguine non plus dans le cadre séduisant des grandes demeures du XIXe siècle, mais dans le quotidien sordide des appartements communautaires de l’ère soviétique. Un peu comme Tcherniakov avait su magistralement le faire avant elle, elle souligne combien est factice la gaieté de commande de ces mondanités qui s’enchaînent, allant jusqu’à transformer l’anniversaire de Tatiana en fête saluant l’abdication d’Eltsine, motivée par un enthousiasme ô combien illusoire. Les deux premiers actes de l’opéra se déroulent entièrement dans cet appartement partagé entre une quinzaine de personnes, sans compter les membres du chœur qui ne sont plus ici une troupe de joyeux paysans venus remercier leur maîtresse, mais des locataires exploités venant s’acquitter de leur dû envers la Larina, qui enfile son tablier non plus pour faire des confitures mais pour manipuler ce sale argent. La transposition fonctionne admirablement bien, et l’impressionnant décor de Fabien Teigné, reflétant la vie simultanée des uns et des autres, permet de creuser la misère affective et morale des personnages grâce à des effets de contrepoint judicieux. On voit ainsi d’emblée qu’Onéguine ne s’intéresse pas à Tatiana, alors qu’Olga se jette à son cou sans la moindre considération pour Lenski, son prétendant officiel. L’abîme qui sépare les deux personnages principaux saute aux yeux, entre l’oligarque vêtu à la dernière mode occidentale et la prolétaire aux défroques hideuses dans sa chambre de quatre mètres sur quatre. Au troisième acte, tout change, et pas seulement le décor : au réalisme général des cinq premiers tableaux succède un mode de jeu plus stylisé, à commencer par le bal de SDF autour d’un brasero qui se déroule pendant la Polonaise. La demeure du prince Grémine est représentée par un plan d’architecte en lignes blanches sur sol noir, et c’est dans ce décor nu que se déroulera l’ultime confrontation entre un Onéguine devenu marginal et Tatiana méconnaissable.Evidemment, pour qu’un tel pari soit viable, il faut un solide travailleur d’acteur de la part de tous les protagonistes, choristes inclus, complété par la présence de trois figurants-danseurs (dont l’un incarne le petit-fils de Filipievna, qu’on voit porter la lettre à Onéguine, comme prévu par le livret). Créée à Montpellier en janvier 2014, la production semble n’avoir rien perdu au cours de son transfert à Limoges. – Laurent Bury Forum Opera
“Eltsine et Poutine invites chez Oneguine : Les idées fourmillent dans cet univers où le collectif emprisonne les sentiments dans des murs invisibles. On est loin du romantisme habituellement dévolu à cet opera. Au fur et à mesure, la transposition historique accentue ses décalages. La vidéo règne en maîtresse et démystifie le drame, la camera est l’objet culte qui passé de main en main et porte les images qui détruisent. On est ailleurs.” – Midi Libre
“Tchaikovsky en appartement communautaire : Le travail de la jeune metteur en scène se distingue par sa direction d’acteur précise. Le spectacle convainc par sa cohérence tant visuelle que théâtrale. Un nom de la mise en scène à suivre.” – Le Pariser